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Alors que certains n’envisagent pas la vie de couple autrement que sous le même toit, question de valeurs et de principes, d’autres éprouvent au contraire la nécessité de pouvoir se retirer dans leur « nid » et garder ainsi une forme d’indépendance. Ce principe de non-cohabitation, longtemps inenvisageable dans nos sociétés, est devenu un petit phénomène puisque selon une étude de l'Institut national d'études démographique (Ined) de mai 2019, 7% des couples français ne vivent pas ensemble. Existe-t-il un profil « type » de personne particulièrement encline à ce mode de relation ? Quels avantages et inconvénients ce mode de fonctionnement induit-il ? Petit tour d’horizon …
Les seniors, adeptes du chacun chez soi !
L’étude menée par l’Ined montre que ce sont les partenaires plus âgés qui ont entamé une relation de type « chacun chez soi » qui sont moins enclins que les partenaires plus jeunes à emménager ensemble sur le long terme. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance. Issus de la génération post 68, les seniors n’hésitent plus à divorcer et à refaire leur vie. Ils ont connu une première expérience de couple, basée le plus souvent sur un modèle traditionnel avec mariage et parentalité sous un toit commun. Or, cette première phase de vie laisse parfois des séquelles, et ils savent à quel point la routine et le partage constant de l’intimité peut user le couple. A noter que dans la plupart des cas, c’est LA partenaire qui propose et même exige de vivre séparément. Car qui mieux qu’elle a dû endosser les tâches domestiques ainsi que celles liées à la parentalité ? Pas étonnant qu’une fois séparées, elles souhaitent s’occuper d’elles et retrouver une certaine forme d’indépendance … Notons d’autre part que plus on vieillit, plus on a du mal à accepter de changer ses habitudes et de sortir de sa zone de confort. Or si l’on a connu une période de célibat après un veuvage ou un divorce, on n’a pas forcément envie de faire l’effort de s’adapter au rythme du partenaire et de faire des concessions sur son mode de vie … Enfin, l’aspect économique n’est pas non plus négligeable. En France, 82 % des retraités étant propriétaires, vivre chacun chez soi n’apparait alors pas comme une charge financière supplémentaire…
La non-cohabitation pour préserver, et son couple, … et soi-même !
Notons tout d’abord que la non-cohabitation ne fonctionne pas avec tous les types de personnalités. Il vaut mieux être indépendant ! Un être possessif ne vivra pas forcément bien le fait d’être éloigné du partenaire. La confiance entre les conjoints doit être forte ! Il faut de même savoir communiquer et intervenir dès qu’une situation devient sensible et risque de s’envenimer. Vivre chacun chez soi semble cependant attrayant à de nombreux égards. Cela permet tout d’abord d’échapper au train-train et au partage constant d’une intimité qui ont tous deux tendances à user le couple. C’est une relation qui ne s’encombre pas des considérations domestiques, matérielles et familiales. A contrario, le fait de se donner rendez-vous pour des instants complices crée une attente et entretient ainsi le romantisme, la flamme et … la libido ! Comme le souligne justement Ghislaine Paris, médecin sexologue et psychosomaticienne « la non-cohabitation évite que la familiarité nuise à la relation amoureuse et sexuelle. L’absence de l’autre, le manque favorisent l’imaginaire, élément fondamental pour nourrir le désir. » Choisir le moment propice pour se donner rendez-vous c’est se rendre totalement disponible. Attendre d’être dans de bonnes dispositions permet de passer un moment dont on sait par avance qu’il sera agréable et préserver ainsi son couple. Enfin, rejoindre son espace personnel c’est aussi pouvoir se retrouver avec soi-même et pouvoir répondre à ses besoins. C’est un excellent moyen de se protéger d’une sorte d’aliénation souvent inhérente à la vie de couple. La psychanalyste Sophie Cadalen l‘explique par ces mots : « Une vie de couple se déroule d’autant mieux que chacun des conjoints a la possibilité d’avoir son propre espace psychique. Habiter des lieux différents peut justement permettre de mieux préserver celui-ci. »
Pourtant, même si ces arguments paraissent séduisants, ne nous laissent-ils pas un goût d’inachevé, comme si la relation restait superficielle ?
La vie commune, seul garant d’une union solide ?
Envisager une vie somme toute séparée tout en s’aimant peut paraitre insatisfaisant car égoïste, et s’opposer ainsi à ce que l’amour incarne : la générosité, la disponibilité, l’engagement. Ne pas vouloir se confronter aux contraintes du quotidien peut sembler illusoire et immature. S’aimer n’est-il pas aussi savoir affronter ensemble les obstacles et les contrariétés ? C’est soutenir sa ou son partenaire et être présent à tout moment pour l’épauler. Les fondations du mariage ne reposent-elles pas sur le précepte... « Je promets d’être à tes côtés dans les bons comme dans les mauvais moments ? » …Vivre chacun chez soi ne semble ainsi pas représenter une base saine pour construire une relation forte et solide. Comment envisager des projets communs sur le long terme dans ces conditions ? Ce choix du chacun chez soi ne reflète-t-il pas dans de nombreux cas une peur de l’engagement ? D’autre part, devoir s’organiser et prendre rendez-vous pour se retrouver ôte toute spontanéité à la relation et peut ainsi finir par user le couple. Enfin, rappelons que l’aspect économique est pour beaucoup un obstacle. Combien de couples peuvent supporter la charge de deux logements ?
Le succès de ce principe de non-cohabitation ne s’inscrit-il pas finalement dans l’évolution de notre société caractérisée par un individualisme croissant ? Ce « sois libre et sois toi » pour reprendre l’expression de Ghislaine Paris qui confirme : « Aujourd’hui, nul n’a envie de sacrifier son moi, son épanouissement personnel sur l’autel du couple » …
Avez-vous fait ou faites-vous l’expérience de la non-cohabitation ? Cela a-t-il été un choix mûrement réfléchi, et bien accepté par votre partenaire ? Quels avantages et inconvénients en retirez-vous ?
Vos témoignages nous intéressent !
Photo © Adobe – Auteur : Wolfhound911
charlotte4575, 01.02.2024