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« La vieillesse n’est pas laide, elle existe, elle est en nous parce que nous sommes vivants », déclare le photographe Didier Carluccio. Des regards usés, des peaux burinées, des mains froissées, des visages ridés, voilà ce qui fascine de plus en plus les photographes et qui leur donne envie de capter le grand âge avec humanité et sensibilité. A travers le prisme de leur art, les photographes arrivent à capter la vulnérabilité, le poids des années et des expériences de la vie. Ils réalisent des clichés empreints d’humanité, de tendresse et parfois d’humour. Nous nous intéressons dans cet article à la motivation, aux objectifs et aux messages que certains photographes veulent faire passer à travers leurs expositions de photos de personnes âgées.
Des clichés pour faire exister nos aînés
« J'aime beaucoup leur peau. Je me souviens que j'observais toujours les mains de ma grand-mère, je trouvais ça magnifique, alors qu'elle trouvait ça horrible ! Parce qu'il y avait des traces de travail. Elle avait de l'arthrite, les doigts crochés. Moi, je trouvais que ça exprimait tellement d'expériences », confie Arianne Clément, photographe. Âgé de 99 ans, son oncle n'a d'ailleurs pas hésité à accepter de prendre la pose et à jouer au mannequin pour elle. Il a malgré son âge une vitalité et une énergie hors du commun. Cette vitalité, Arianne Clément réussit à la capter et à la faire exploser dans ses clichés. D'ailleurs, sa démarche de magnifier la vieillesse par le biais de sa caméra lui permet d'apprivoiser de plus en plus sa propre vieillesse…
Selon l’association Les petits frères des Pauvres, la représentation des personnes âgées dans la photographie a beaucoup changé au cours de ces trois décennies. Auparavant elle répondait le plus souvent à des stéréotypes anciens, certains inspirés par la littérature du XIXème siècle et d’autres dont l’objet était de susciter des émotions comme l’attendrissement ou la pitié. Les véritables sujets de reportage sur les personnes âgées ne retenaient qu’exceptionnellement l’attention des photographes… L’association fait ainsi partie des premières organisations humanitaires qui, en France, ont perçu la place que la photo était en train de prendre comme art majeur dans notre société. C’est une raison pour laquelle cette dernière a eu recours à plusieurs reprises à la photographie comme moyen de communication sur la vieillesse. En exposant les photos de ces personnes âgées, les Petits Frères des Pauvres veulent attirer l’attention sur les conditions de vie de nos aînés, malheureusement encore souvent invisibles. Les expositions véhiculent donc un message fort : « Regarde-moi, j’existe ».
Didier Carluccio : sublimeur de personnes âgées
Depuis plus de 25 ans, Didier Carluccio, photographe, parcourt le pays et pousse la porte des structures réservées aux personnes âgées. Des structures qui peuvent effrayer, comme le rappel de sa propre vieillesse et de l’inéluctable. Mais pas pour le photographe : « J’ai découvert un milieu qui m’inspirait ». Des visages « atypiques », des silhouettes « courbées » ... « Il y a de quoi en faire des portraits et des scènes de vie ». Plus que personne, il connaît ceux dont le poids des années a fait perdre forces et parfois esprit, il sait les approcher et ses photos en témoignent. Exemple : Un shooting de membres d’un Ephad, costumés sur le thème de la Révolution française. Moyenne d’âge : 100 ans ! Une opportunité pour l’artiste, dont le désir est de nous faire poser sur nos ainés un nouveau regard. Voulant sortir les plus âgés de l’ombre, il déclare : « J’ai créé une fenêtre pour sortir ces personnes de l’ombre, je les revalorise. Il existe de très beaux papis, de très belles mamies » ;-). Ainsi Carluccio ne cache pas les rides, les affaissements, les cheveux blancs etc. Bien au contraire, il déclare : « Je veux montrer cette réalité, ces visages sortis de toute illusion », comme une attaque « aux icônes du jeunisme ambiant ». L’artiste le fait aussi pour la mémoire et poursuit avec humour : « Je photographie des dinosaures ! Bientôt ils n’existeront plus ».
Le sourire n’a pas d‘âge
Le photographe Russe Ilya Nodia a réalisé un projet photo qui fait chaud au cœur. Il a visité plusieurs maisons de retraite pour capturer le sourire de personnes âgées afin de montrer que « le sourire n’a pas d’âge ». Parce que le sourire est quelque chose d’universel, quel que soit son âge ou son origine. Baptisé « Le sourire ne vieillit pas », ce projet met donc en scène différents seniors qui prennent la pose et qui ont soin de s’habiller de la meilleure des manières pour l’occasion, tout en souriant face à l’objectif, dans un studio mobile rapide à installer que l’artiste transporte avec lui. Une façon d’exprimer pour l’artiste que malgré les années qui passent et le corps qui subit inlassablement les effets du temps, il y a bien quelque chose qui ne vieillit pas : c’est le sourire. Il déclare même : « rien ne les habille mieux que leur sourire rayonnant qu’ils arborent ». Une fois encore, un photographe a montré que la beauté ne réside pas uniquement dans les corps jeunes et beaux, dans les visages lisses et sains, mais que la beauté peut aussi se cacher derrière des visages usés et fatigués par les ans.
Que vous évoque ce sujet ? D’après vous, les regards changent-ils envers les personnes âgées depuis que de plus en plus de photographes les valorisent à travers leurs expositions ? L’évolution physique liée à l’âge a-t-elle changé votre comportement face à l’objectif ?
Photo © Adobe – Auteur : Eugenio Marongiu
Betty_Nelly, 06.07.2023
