Entrerions-nous dans la phase du "nous" ?

Entrerions-nous dans la phase du "nous" ?

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Serions-nous en train de dépasser le stade de l’individualisme à outrance ? Grâce à la crise nous redécouvrons la puissance du collectif. Mais avoir besoin des autres n’est pas si facile à admettre. Les résultats de la dernière enquête sur la solitude de certains d'entre nous sont inquiétants. Cinq millions de Français sont dans un isolement relationnel. Pas de famille pour les conforter, pas d’amis pour partager le temps libre, pas de voisins pour boire l'apéritif. Cet état s'aggrave depuis 2010.

 

La solitude

Il faudrait accepter le fait que nous sommes des êtres sociaux. La sociabilité n’est pas simplement une possibilité d'échapper à l’ennui, mais un besoin fondamental, on peut même dire une condition de survie. Il faudrait réaliser que le moi ne peut exister que par rapport à d'autres qui vont l’accompagner, lui permettre de se construire. L'isolation à outrance peut entrainer la mort psychique. La solitude va donc en s'accroissant, mais dans un même temps, la force du collectif, les bienfaits de l’entraide sont de plus en plus présents autour de nous, dans les médias. Les réseaux se développent, les forums prolifèrent, le monde associatif n'a jamais été aussi actif, sans parler du bénévolat. Les thérapies de groupes sont de plus en plus appréciées. Après avoir célébré pendant des décennies l’individualité omnipotente, apprendrions-nous à vivre ensemble ? Dans les années 1980 l'image d'un moi autonome qui n'a surtout pas besoin des autres a été propagée. Quelques dizaines d'annés plus tard, avec la crise, nous nous trouvons face à une véritable épidémie de dépression qui entraîne une consommation inquiétante d’antidépresseurs et de plus en plus de toxicomanes. Le sociologue Alain Ehrenberg (Odile Jacob, 2010) parle de la « fatigue d’être soi »

 

Notre moi n'est ni autonome ni autosuffisant

Beaucoup d'entre nous croyent en un moi qui n’a besoin de personne pour exister, être heureux, penser. Et pourtant nous sommes tous tributaires de notre environnement et de notre entourage ! Nous avons besoin des autres pour évoluer, pour avancer, pour guérir. Dès le départ nous dépendons d' autrui. Le bébé a besoin de sa mère pour survivre. L’homme se distingue des autres mammifères par le fait que pour exister à plein, il faut qu'il soit désiré, attendu par sa famille et les proches. Il sera façonné par ses origines, sa culture, ses ancêtres. Notre moi n'est ni autonome, ni autosuffisant. Le psychanalyste Jacques Lacan le comparait à un oignon dont les couches successives sont formées de tous les modèles, les rôles, les idéaux glanés au cours de nos premières années. Pour concevoir notre individualité nous avons besoin des mots et du regard des autres.

 

Présence de l'autre: à la fois plaisir et frustration  

Nous sentons régulièrement le besoin de nous retrouver avec nous-mêmes. Beaucoup aiment ces moments de solitude favorables à la rêverie. Ils nous oxygènent. Savoir être seul sans s’angoisser ni déprimer est d’ailleurs un signe de bonne santé psychique. Mais jusqu’à quel point est-il possible de vivre sans nos semblables ? On sait que les personnes qui décident de vivre en ermite, de partir en mer en solitaire pour de longs mois sont rapidement confrontés à des hallucinations. C'est le signe que, malgrè leur moi conscient, une autre partie d’eux-mêmes a besoin de compagnie. L’absence de contact provoque des troubles de l’humeur et du comportement.

 L’autre est le semblable, l’alter ego, le frère, mais aussi l’ennemi. Freud, dans son essai Le Malaise dans la culture résume bien la situation : nous avons besoin de lui, mais ses intérêts à lui sont autres. Sa présence est désirée, mais elle limite notre jouissance, notre liberté. Elle est à la fois source de plaisir, de bien-être et de frustration. Nous consacrons une bonne partie de notre existence au choix de la bonne distance avec nos semblables, craignant à la fois la dépendance et l’absence, l’intrusion et l’abandon. Ils ne doivent être ni trop loin ni trop près, pas trop fusionnels mais présents quand même.

Le philosophe allemand Arthur Schopenhauer nous comparait à des hérissons : nous nous protégeons du froid en nous serrant les uns contre les autres, mais nos épines entrent dans nos chairs et nous blessent.

 

D'une société du "je" à une société du "nous"

En amour, en famille, au travail essayons d'avancer ensemble. Le groupe décuple nos forces. Grâce aux nouveaux modes de vie nous avons la possibilité de découvrir une société de partage et d'échange tels les plates-formes d'entraide et associatives, les logements multi-générations, le financement participatif, etc. Le contact avec les autres est au centre de l'évolution de notre société. Mais alors il faudra oser le conflit, oser faire confiance, oser se remettre en question, oser l'échec et surmonter ses craintes.

 

Que vous inspire le thème du „je“ et du „nous“ ? A vos claviers !

 

 

Photo: © Robert Kneschke - Fotolia.com

 

charlotte4575, 22.10.2015