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Dans son ouvrage Saint Genet, comédien et martyre, Jean Paul Sartre souligne que : « l’enfant n’est qu’un projet ». En effet, qui pourrait prétendre s’être construit en tant qu’adulte sans avoir pris de modèles ? Dans les modèles proposés il y a ceux qui peuvent nous permettre de progresser et de nous dépasser. À l’inverse, certains peuvent s’avérer, nous aliéner et nous servir d’excuses pour commettre des actes répréhensibles. Les modèles sont-ils essentiels à notre construction ou bien faut-il s’en méfier ?
Des outils nécessaires à notre construction
Personne ne peut nier que l’imitation est une étape clé de l’apprentissage. L’enfant apprend en imitant ses parents, l’apprenti en prenant exemple sur son maître. De même, de grands hommes sont issus d’un modèle : Socrate fut le maître et modèle de Platon, qui fut le maître et modèle d’Aristote, etc. Kant déclare que : « c’est un penchant naturel de l’homme que de se comparer dans sa conduite à des gens de plus d’importance, l’enfant se compare aux adultes, l’homme de peu, aux personnes de qualité, et à imiter leurs façons ».
Le modèle est donc une personne qui nous aide à nous construire, qui stimule notre capacité à créer et nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes. Il peut être choisi soit parmi ceux proposés par la société (le héros, la star, le scientifique, le peintre, le génie, etc.) soit parmi des proches (le grand-père, la grand-mère par exemple). Ce sont l'amour et l'admiration qui nous poussent dans nos choix.
On peut également choisir un modèle à l'opposé de ceux qui nous sont proposés ou en réaction à ceux-ci : l'anti-modèle. Mais celui-ci reste encore un modèle. Indépendamment de toute considération morale ou de valeurs, il semble donc que nous ne puissions nous construire qu'avec ou à l'encontre des autres que nous transformons en modèles à suivre ou à fuir. Toutefois, tous les modèles ne sont pas fixes et positifs.
Les nouveaux modèles
Il y a plusieurs sortes de modèles : les modèles donnés ou les modèles choisis. Les rencontres nous confrontent à la nouveauté, à d’autres modèles. Ces derniers sont évolutifs, comme en peinture où les impressionnistes furent rejetés puis adulés pour faire place à d’autres styles. Ils évoluent avec la société. Un des modèles que crée l’homme, par exemple, est la mode : l’homme conformiste au final « se modélise ».
On a aussi souvent tendance à penser en termes moraux en parlant de modèle, au sens de l’exemplarité. On met en avant des personnages, des héros, des saints, des génies. Mais la société a perturbé cette idée des modèles : ils ne sont désormais plus forcément porteurs de valeurs et ce sera le plus médiatisé dans une émission de télé-réalité, le plus riche, le plus beau, le bon tribun qui sera admiré. Ce ne sont plus les qualités intrinsèques de la personne qui sont alors considérées mais un état de faits plus ou moins positifs et surtout éphémères.
Un modèle (souvent dans le cas des adolescents) peut même parfois servir d'excuses à des comportements excessifs. Ainsi le fait d'avoir choisi un modèle qu'on respecte pour certaines raisons justifie le comportement, la façon de parler, de s'habiller, de réagir. Dans ce cas, le modèle ne joue plus sa fonction de construction et d’évolution.
Les risques : conformisme et idolâtrie
Par ailleurs, il existe des modèles encore plus dangereux, ceux qui sont préétablis, voire imposés. Ils peuvent être religieux, philosophiques, politiques ou culturels. Un des premiers risques est donc de viser à mettre chaque individu sur des rails et surtout sur les mêmes rails. En effet, il est dangereux pour les individus de n’avoir qu’un seul modèle, car alors ils n’ont plus de choix, même pas le droit à l’erreur. On pense aux enfants qui sont élevés dans des sociétés fermées, sectes ou sociétés religieuses.
Autre danger également : Les gens cherchant toujours un modèle peuvent tomber sur des gourous qui vont les abuser. En admirant, voire en idolâtrant une personne, on perd tout sens critique. La personne qui nous possède peut ainsi nous manipuler à son gré comme une marionnette. Un modèle ne doit pas être parfait et absolu : il doit être un indice, une échelle de comparaison qui nous stimule mais jamais devenir un dieu à vénérer.
Pas un modèle, mais des modèles
Le bon modèle est fugitif, il faut savoir apprécier la constance de l’inconstance. On a parlé d’imiter un modèle, évidemment le choix d’un modèle ne doit se limiter à l’imitation pure et simple, au « copier/coller ». L’individu ne doit pas se glisser dans la peau de son modèle et surtout ne pas en être esclave. Nous avons dans notre vie plusieurs modèles que nous changeons ou mixons pour devenir les personnes que nous sommes. Le fait de se demander périodiquement si l'on doit adopter ou rejeter tel modèle est un moyen pédagogique pour mieux se comprendre, mieux se connaître. Par ailleurs, certaines personnes préfèrent parler plutôt de rencontres que de modèles. Ce terme souligne encore l’aspect limité dans le temps. Mais surtout, il convient de rappeler qu’un modèle au sens pédagogique est toujours appelé à être dépassé. L’objectif du maître est que l’apprenti le dépasse. Le modèle, pour être réellement bénéfique, doit être passager et nous permettre d’évoluer.
Avoir un ou des modèles est fondamental dans notre vie. D'une manière ou d'une autre nous avons tous subi l'influence d’une ou plusieurs personnes dont le parcours nous inspire positivement. Il ne faut pas imiter à la lettre ce que fait notre modèle mais plutôt puiser dans sa force quelque chose qui nous inspire et stimule pour construire notre destin et nous pousser à être meilleur chaque jour.
Et vous, avez-vous eu des modèles ? Quels étaient-ils ou bien quels sont-ils encore ?
Photo : © Fotolia - Michael Schütze
charlotte4575, 13.04.2017